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AG du 14/09/21 – Rapport Moral de Bessora

15 Sep 2021

 Je dois dire que moi aussi, je me méfie des séparatismes… Et j’ai beaucoup de  mal à concevoir les auteurs comme une société d’ordres, au sommet de laquelle une noblesse aurait le privilège d’un statut sur mesure.

Extrait du rapport moral rendu par Bessora, présidente sortante du CPE, pour inaugurer notre assemblée générale du CPE, qui a eu lieu le 14 septembre. Intégrale  ci-dessous.

Cette année encore,  le CPE a mis son pluralisme au service des auteurs.

 Notre pluralisme, c’est le mélange de nos formes juridiques et  de nos objets sociaux. C’est le mélange de nos identités professionnelles, et de nos caractères individuels. Nous sommes des associations, nous sommes des OGC – majoritairement administrées par des auteurs, et nous sommes des syndicats.

Cette diversité enrichit nos dialogues. Parce qu’on échange difficilement avec son miroir. Miroir, miroir, dis-moi que je suis le plus beau. Bon. Le miroir vous confortera. Mais l’intérêt des auteurs dans tout ça.. où est-il ? La qualité de leur défense ne se mesure pas à la forme juridique des organisations professionnelles. Et il ne suffit pas de se décréter un syndicat pour représenter efficacement les auteurs.

 Bref, ne nous crispons pas sur des identités professionnelles, ou statutaires, qu’il faudrait figer, statufier. Préférons les compétences, qui évoluent. Dans les murs du CPE (aujourd’hui numériques), la parole est aux auteurs et aux salariés de nos organisations. Aucuns de nos membres, personne physique ou morale, ne devrait se sentir illégitime à s’exprimer, ou à représenter les auteurs, sous prétexte qu’il ne serait pas un syndicat, ou pas un auteur. Bref, pas de séparatisme au CPE.  

 Les auteurs du livre et de l’écrit eux-mêmes sont pluriels. Ils pratiquent différents métiers, en mono ou en multi-activité, dans des économies variables, avec plus ou moins de succès. Certains ont la chance de ne faire que le métier d’auteur. Parce qu’il gagnent suffisamment leur vie ( 8% gagnent plus d’un SMIC. 3% plus de 2 SMICS). Ou parce qu’ils sont aidés par un conjoint. Ou parce qu’ils sont propriétaires de leur logement. Nos situations sociales déterminent nos possibilités d’exercer, ou pas, une seule profession.   

 S’agissant de celle d’auteur, à l’intérieur d’un même métier, les usages varient. Plus encore, chez un même auteur, une nouvelle création est souvent une nouvelle aventure, avec ses aléas. Il y a les bonnes et les mauvaises années. Le bon et le mauvais ne se mesurant pas uniquement en terme de revenus. Aussi, quand on devient écrivain, scénariste, traducteur, photographe ou illustrateur, c’est rarement pour se trouver corseté par des normes rigides. Lesquelles normes devraient s’appliquer à tous parce qu’elles conviennent à quelques-uns. Un seul régime – qui serait Le Statut de l’auteur professionnel, un nouveau statut donc – est difficilement envisageable pour des métabolismes différents. Pourtant, on entend parfois parler de « gestion » de la « population » des auteurs.  L’auteur serait une ressource qui se gère ? On peut le penser. On peut aussi penser l’auteur comme une personne qui se protège, grâce à un droit de la personne, qui est le droit d’auteur… de tous les auteurs.

 Je ne suis pas non plus convaincue par la hiérarchie qu’on voit parfois s’instaurer entre  des auteurs et entre des secteurs du livre. On a vu s’initier des tentatives de comparaisons entre, par exemple, le temps de travail supposé de Stendhal (3 semaines je crois pour le Rouge et le Noir)  et le temps de travail moyen déclaré d’un auteur de BD (un an). Que faudrait-il conclure de ce type de démarche ? Que faire de la BD, c’est plus dur que faire du roman ? Et jusqu’où pousser la comparaison ?

D’aucuns ont utilisé le temps de travail comme un élément général, objectif et mesurable pour demander la mise en place d’un contrat de commande distinct du contrat d’édition. Objectivement mesurable notre temps de travail ? Et quelle serait la motivation de ces mesures ? Etendre, a-t-on lu et entendu, les droits sociaux des auteurs qui signeraient des contrats de commande. En d’autres termes leur donner accès à des indemnités de chômage. Soit. Mais qui cotiserait pour ces nouveaux droits, quand on sait le tollé qu’a provoqué l’augmentation du taux de cotisation à la retraite complémentaire ? Quel pourcentage de cotisation, puisque nos éditeurs ne sont pas nos employeurs ? Et quels auteurs auraient accès à ce nouveau droit ? Pas tous, évidemment… Très peu, certainement.

On a aussi beaucoup parlé de monsieur Racine en 2020 et en 2021. Et de ce statut de l’auteur professionnel, présenté comme une baguette magique. Avec les élections, et à condition  d’exclure certaines catégories d’auteurs de la professionnalité et certaines organisations de la représentativité, ce statut nouveau règlerait tous les problèmes… tous les problèmes de quelques-uns.

Notre statut, il existe déjà. Il ne lèse et n’exclut personne. Pourquoi le remplacer par un régime discriminant ? Notre statut, ce sont des règles, sociales, juridiques, fiscales qui s’appliquent aux auteurs. A tous les auteurs. Ces droits – ce statut – existent aussi grâce à la solidarité nationale.

Le débat démocratique, la contradiction, la pluralité des points de vue, ce sont nos valeurs. Oui, on a le droit de penser que le rapport Racine est discutable. Oui, on a le droit de s’interroger sur l’exclusion d’auteurs du dialogue social et de la négociation collective. Oui, on peut considérer que cette négociation concerne tous les auteurs qui signent des contrats. Pas uniquement ceux qui vivent du métier d’écrire. Et, dès lors que le seuil d’affiliation à l’Agessa a été supprimé, on peut considérer qu’aucun auteur ne devrait être privé d’élections au CA de la future instance de dialogue social. Et puis en France, un cotisant est un votant. Et oui, on a le droit de juger qu’une enquête de représentativité est aussi acceptable qu’une élection professionnelle. Ce type d’enquête est, je crois, le mode de désignation du CA de la CNAM. Qu’elle soit désignée par élections ou par enquête de représentativité, nous souhaitons la représentation la plus large possible des auteurs.  

Evidemment, on a le droit de porter d’autres points de vue. De penser que l’enquête de représentativité est un « déni de démocratie ». D’estimer qu’il y a « surpopulation » chez les auteurs, même si cette opinion contredit la première proposition. D’estimer également que seuls « 5%  des auteurs du livre sont des professionnels ». Ou encore de juger qu’un suffrage doit être censitaire (quel que soit le montant du cens). Mais tous les auteurs ne partagent pas ce point de vue. Il ne sont pas non plus tous  favorables à l’édification d’un nouveau statut professionnel ex-nihilo qui, pour reprendre les mots d’un auteur de BD sentirait « la purge », le « nettoyage » et aurait un « arrière-goût de sang ». Je dois dire que moi aussi, je me méfie des séparatismes… Et j’ai beaucoup de mal à concevoir les auteurs comme une société d’ordres, au sommet de la quelle une noblesse aurait le privilège d’un statut sur mesure.

Pour autant, les divergences de vue ne devraient pas déclencher des injures publiques. Les membres du CPE ne méritent pas d’être traités de « parasites » qui « disparaîtront si on organise des élections ». Ces propos dépassent assez largement la liberté d’expression. Et puis les injures ne servent pas la cause des auteurs.

Certes, beaucoup reste à faire pour clarifier, simplifier, harmoniser les textes de lois qui font notre statut actuels. Personne ne le conteste. Les organisations du CPE s’y emploient, avec d’autres.

Nous défendons les auteurs, sans distinctions, en particulier dans le cadre du plan Auteur. D’aucuns trouveront ce plan imparfait. Certains le jugent une coquille vide. Les multiples réunions de concertation, de restitution ainsi que les groupes de travail auxquels nous assistons et participons depuis des mois ne me paraissent pas rien.

242 millions d’euros versés à 45.000 auteurs au titre de la solidarité, ce n’est pas rien non plus. Le CPE, ses organisations membres et d’autres ont s milité pour l’adaptation de ce fond aux auteurs, comme d’ailleurs, toutes militent tous pour la régularisation des cotisations de retraites prescrites et l’adaptation de ce dispositif. Bref, nous militons tous pour améliorer les conditions d’exercice de nos métiers. Nous sommes d’ailleurs enfin engagés dans la négociation collective. C’est une occasion à saisir.

Nos engagements ici et là demandent un important investissement personnel. Je voudrais justement vous remercier car nombre d’entre vous ne s’économisent pas. Je suis touchée de vous voir participer activement à la défense des auteurs, bien au-delà de vos heures de travail pour les salariés de nos organisations membres, et bénévolement pour les auteurs engagés au CPE.

Cet engagement collectif a permis au CPE d’être présent, actif et réactif sur des sujets aussi sexy que la transposition de la directive européenne, les droits collectifs,  les arrêtés d’extension et autres projets de loi sur le livre. Sans oublier nos auditions au sein des assemblées où nous plaidons toujours. Même si nous nous savons les maillons faibles de la chaîne. Même si le résultat n’est jamais garanti.

Ma présidence arrive à son terme. Je passe le relai à qui se présentera dans quelques minutes. J’ai beaucoup appris auprès de vous. Je continuerai de me nourrir à vos savoirs et à  vos expériences. Et je m’efforcerai d’apporter ma contribution à nos combats présents et futurs.

 

 

 

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